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En 1972, l'imprésario du groupe
organise un spectacle en plein air dans la ville où
vivent les musiciens. Michel fait venir en cachette sa jeune
soeur de 17 ans qui assiste (enfin) à une
représentation de son artiste de frère... Elle
ne savait rien de ce qu'il faisait, il faut dire que dans la
famille, on coupe les articles des journaux: il ne faudrait
pas que les enfants les lisent ! Le spectacle est une
réussite, Michel est survolté. Le public
aussi. Il ne se rend pas vraiment compte de
l'immensité de la foule venue l'écouter.
Heureusement, la sono est suffisamment puissante pour
diffuser le son jusqu'aux derniers spectateurs,
là-bas au loin, à perte de vue... Comment
fait-il pour vaincre le trac qui le paralyse
?
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Cet être hypersensible est totalement
terrorisé avant de monter sur scène. Il a
donné le meilleur de lui-même, le show est
maintenant terminé, l'artiste préfère
quitter discrètement le groupe et ses "fans" comme il
le fait souvent. Il n'aime pas parader... Il est dans sa
ville, Michel, vidé et étrangement absent,
rentre donc avec sa soeur dans son
appartement...
Dans le
milieu de la nuit, Michel se met à hurler, il est
pris d'un mal de tête brutal inouï. Sa tête
va exploser... Ce n'est pas une migraine, le mal est
terrifiant, insupportable... Dans le même temps, une
violente douleur à la poitrine l'empêche de
respirer, il étouffe littéralement... En fait,
il est terrassé par une méningite foudroyante
et par un mal qui lui rongeait le poumon depuis
longtemps. Sa soeur courra dans cette ville qu'elle ne
connaît pas une bonne partie de la nuit à la
recherche de secours, aucun toubib ne veut se
déplacer, "c'est une petite
dépression" lui rétorque-t-on partout, ça
ira mieux demain. Elle se souvient alors qu'à la
périphérie de l'agglomération vit un
ami... Elle s'y rend (à pied) et ensemble, ils vont
enfin convaincre un médecin de venir... Sur place, il
mesure aussitôt la gravité de la situation et
appelle d'urgence une ambulance... Lorsque les secours
arrivent enfin, il est trop tard. L'artiste a quitté
ce monde, les ambulanciers ne peuvent que constater la
triste réalité... Il nous faut ouvrir ici une
petite parenthèse... Des détails de ce qui va
suivre furent relatés bien longtemps après le
drame à une personne qui a su mettre Michel en
confiance. Ensuite, il n'en parlera jamais plus... Les
personnes qui ont vécu cette expérience
n'osent pas l'évoquer de peur de se heurter toujours
aux mêmes remarques... Les psychologues, qui à
part se prendre pour la conscience des autres en n'ayant
jamais ni rien connu ni vécu, sont les pires des
inquisiteurs... Bien perchés sur des théories
toutes faites, ils ne peuvent accepter ce qui dépasse
la logique imposée ou le prétendu savoir.
Voici ce que Michel a confié à cette
personne:
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«La souffrance était devenue
impossible à décrire... Lorsque la douleur a
atteint les limites de ce qu'un humain peut endurer, tout
s'est arrêté. Il y a eu comme un instant de
flottement, difficile à matérialiser dans
notre temps. Puis, j'ai vu ce qui se passait dans la
chambre... Je voyais et j'entendais ma soeur crier et cet
ami en larmes lui aussi. Le toubib et les ambulanciers s'en
fichaient éperdument, ils n'avaient que des paroles
administratives du genre "Que va-t-on faire de lui ?"... Je
n'étais plus dans mon corps que je pouvais
détailler... Dans cet espace, les repères
haut, bas, gauche, droite n'existent pas. J'ai alors vu
qu'on mettait cette enveloppe sur un brancard... Il a fallu
descendre les 5 étages par l'escalier de bois... Le
brancard cognait dans les murs... "Fais-donc attention !"
dit un brancardier au second... "Oh, là où il
est, il ne sent plus rien !"... Puis, j'ai observé
comment ils m'ont mis dans l'ambulance... Le long du trajet,
j'étais tantôt dans le véhicule,
tantôt au-dessus, ce qui fait qu'aujourd'hui, je
pourrais vous décrire le décor, les rues ou
les paysages... Puis, j'ai regardé de quelle
façon on m'a d'abord abandonné dans un couloir
de l'hôpital, puis on m'a amené dans la chambre
1, la salle d'attente de la morgue, où on expose une
dernière fois les défunts aux proches...
À côté de moi, il y avait un vieillard
qui venait de succomber... Cette image m'a
traumatisé, elle reflétait parfaitement la
mort.»
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Lorsqu'ils l'avaient abandonné dans
le couloir (ce n'était plus la peine de se presser,
c'est ce qu'il a vaguement entendu) le brancard à
même le sol, il observait, nous dirons d'assez haut,
ce jeune homme allongé là, sans vie... Le
visage était étrangement serein, comme
endormi... «Quand vous regardez votre image dans un
miroir ou sur une photo, jamais vous n'aurez cette vue de
vous-même. Là, je pouvais contempler ce qui
avait été "moi". Mais je ne me reconnaissais
pas. Cette enveloppe ne ressemblait pas à ma vraie
image... "C'est donc là-dedans que j'ai vécu
?"... Cette phrase résonne encore dans ma
mémoire... Lentement, je me sentais aspiré
vers un autre élément, et tout devint
lointain, flou et bientôt imperceptible». Puis,
il y a eu ce "choc", quelque chose s'est soudain
passé...» Le personnel de l'hôpital
avait demandé à un curé d'administrer,
s'il était encore temps, les "derniers sacrements"
à ce (si jeune) défunt... Lorsqu'ils se sont
rendus compte qu'il était protestant, ils ont vite
cherché un pasteur... Et c'est là que tout va
se jouer: «J'ai vu ce pasteur agenouillé serrant
dans ses mains une main inerte... Par une concentration
incroyable, il a réussi à communiquer -par son
esprit- avec moi, alors que j'étais au-dessus de
lui... Il me disait qu'il fallait que je revienne, que ce
n'était pas mon heure... Je préfère ne
pas en dire plus pour l'instant. Lui aussi était
passé par là.»
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Beaucoup [...] plus tard, des cris
déchirent le silence de l'hôpital: «Il a
bougé !!!». Le pasteur avait en effet "pris sur
lui" qu'on ne mette pas Michel dans un frigo tout de suite,
persuadé qu'il "reviendrait"... Les médecins
ne veulent pas y croire... Comment un type qui a
séjourné aussi longtemps à la morgue
pourrait revivre ? Il faut toutefois se rendre à
l'évidence, ils ont constaté comme une
imperceptible lueur de "vie". Aussitôt, c'est le
branle-bas de combat dans le service... Ceux qui ont connu
les soins intensifs comprendront... Après des heures
d'efforts, un chirurgien s'écrie "On l'a
récupéré !"... Michel est alors
transféré dans une chambre "classique", le
pasteur est là à son réveil, ou
à son retour si vous
préférez... Il est agenouillé comme
précédemment, et lui serre fortement la main.
Mais cette fois, c'est de sa place qu'il le voit, c'est
à dire dans son enveloppe. Michel est à
nouveau en ce monde, mais ce qui l'attend maintenant
ressemble à s'y méprendre l'enfer... Nous
sommes à la fin de l'année 1972... L'hiver
s'annonce, triste et froid... Cela va faire six mois que
Michel est dans cet hôpital. Dans cette chambre
commune, il en aura top vu mourir... Lui, à
côté... Il avait tout juste 18 ans... L'autre
en face, guère plus âgé... Un autre qui
s'est vidé se son sang d'un coup, ou cet autre, qui
ne peut déjà plus ni marcher ni se nourrir et
qui attend que le mal l'emporte avant qu'il ne fête
ses 30 ans. Quant à notre artiste, cela fait six mois
qu'il est cloué dans ce lit, sans pouvoir se lever,
uniquement amilenté par du sérum... Ce n'est
plus qu'un squelette décharné... Pour le
soulager de la douleur incessante et inhumaine, on lui
administre des doses de morphine, seul remède qui
existe alors. Le plus terrible furent ces infiltations dans
la colonne vertébrale... Il faut l'avoir vécu
pour comprendre. Un jour il a voulu (péniblement) se
lever... Ses jambes se sont effondrées sous lui...
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Et il s'est mis à pleurer à
chaudes larmes... Avec la complicité de deux copines,
ils décident, avec le jeune moribond du lit
d'à côté, de faire une "fugue" et d'aller au
cinéma en cachant leurs bouteilles sous des
vêtements que leur ont amenés les copines.
C'est surréaliste... Deux zombies qui ne tiennent pas
debout, agrippés à deux jeunes filles,
traversant la ville... Michel a perdu tous ses
repère; la ville défile, tournoie dans tous
les sens, les voitures passent au-dessus, tout tourbillonne
dans un carrousel infernal... À hôpital, c'est
la stupéfaction... Désormais Michel veut
sortir, coûte que coûte... Une infirmière
est tombée folle amoureuse de lui, c'est avec elle
qu'ils vont préparer sa sortie... Fin 1972, il signe
une décharge et quitte l'hôpital aux bras de
cette infirmière. C'est elle qui va le soutenir
jusqu'à l'appartement qu'il ne reconnaît
plus... Elle va s'employer à le remettre sur pieds,
et ensemble, il vont faire de grands projets. Michel va
alors faire la première grosse erreur de sa vie. Il
décide, avec son amoureuse, de "rentrer au pays",
à Saint-Quirin... Elle ne voulait pourtant pas,
pressentant quelque chose de mauvais... Il aurait dû
l'écouter... et partir ailleurs.
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S'il est un artiste qui mérite le
titre d'atypique, c'est bien Michel Mahler... Depuis son
plus jeune âge, Michel est passionné de
musique... Il ne rêve que de ça, mais dans le
monde où il est né, les artistes ne sont pas
des "gens fréquentables"... Très vite, il se
taille une réputation de "marginal" pour ne pas dire
d'anormal... «Il n'est pas comme tout le monde...»
Cette phrase, il l'entendra toute sa vie. Dans sa
région natale comme dans sa famille, il est de
coutume de travailler dur pour gagner son pain, les
rêves de notre artiste sont bien mal perçus.
Trop "différent" des autres, il sera vite
rejeté voire renié par les siens.
Inéxorablement, il se retranchera dans la solitude,
et dans des rêveries qu'il enfouira au plus profond de
lui... Et pourtant, du talent, il en a... C'est venu comme
ça, on dit que se sont des "dons"; mais son entourage
va s'acharner à le remettre sur le droit chemin
(...).
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La musique est là; elle monopolise
son esprit. Lui, il sait qu'il est venu au monde pour
ça, devrait-il faire autre chose ? Michel ne comprend
pas... Pourquoi mettre des enfants au monde si c'est pour
les empêcher de s'épanouir ? C'est absurde...
La vie est bien courte, et notre seule destinée est
la mort... Trop tôt, il prend conscience de ce qui
deviendra son unique certitude. Cette hantise ne le quittera
plus et aura des conséquences capitales sur son
existence et sur sa façon d'aborder ce
voyage qu'il prétend être comme la
pire des injustices puisqu'il ne l'a pas souhaité...
Imaginez un père qui entend son fils âgé
seulement de trois ans et demi lui dire: «Pourquoi je
suis né si c'est pour mourir...» Au fil des
années, cette obsession deviendra maladive, si
déjà nul n'a décidé de voir le
jour, qu'on nous laisse au moins faire ce qu'on
désire !
Michel, seul et contre tous, veut faire de la musique, et il en fera. Mais nous le verrons par la suite, cela va irrémédiablement le couper de ses semblables. Il va alors se créer un "monde à lui" et le fossé entre ce que d'aucuns prétendent être la normalité et sa façon penser et d'être se creusera jusqu'à faire de notre artiste un être brisé, sans cesse tourmenté par une idée devenue insupportable: La vie n'aurait-elle aucun sens ? Il en est des gens comme des paratonnerres, les uns attirent les catastrophes comme les autres attirent la foudre... Lui, il les a accumulées les catastrophes. Il est à peine né que déjà tout commence et plutôt mal. Puis, ce seront des suites d'accidents, de maladies ou d'autres calamités qui vont fondre sur lui. La mort, il la croisera des milliers de fois, jusqu'à la toucher, la sentir... Mais rien n'y fera, ni Dieu ni Lucifer ne veulent de lui. Et il y songe de plus en plus. Il voudrait vivre tous ses rêves, le temps passe trop vite. Cela aussi, il l'a compris trop tôt. À l'âge où ses copains jouent au soldat, lui, il s'interroge sur le sens à donner à la vie et à la mort... Le simple fait de savoir qu'un jour il disparaîtra le ronge littéralement. Paradoxalement, alors qu'il "broie du noir" à longueur de journées -de nuits devrions-nous dire car il a toujours été insomniaque-, il sait rire et faire rire. Doucement, il cultive l'art de l'absurde et de l'humour noir. Cela se vérifiera bientôt dans ses premières oeuvres. Car il commence à créer... Et là, ce sont les escarmouches avec les règles d'une société ne pouvant admettre qu'un individu sorte de la norme. Accusé d'avoir triché lorsqu'il ose enfin montrer ses dessins et la partition de la première musique qu'il a composée, Michel se brouille définitivement avec le système... Il sera renvoyé du lycée à l'âge de 14 ans et goûtera aux rudes lois de l'apprentissage chez un tapissier-décorateur... «C'est ça la vie ? Être une marionnette programmée pour se lever à telle heure, aller au boulot à telle heure, manger à telle heure et se distraire selon des horaires ou des dates établies ?» |
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La rupture est radicale entre lui et la
société, ses règles, ses tabous, ses
dogmes ou ses habitudes. Il fugue une première fois
à 14 ans où on le retrouvera mort de froid et
de faim sur un banc public à Strasbourg, par un hiver
des plus rigoureux... À l'âge de 16 ans, sa
dernière fugue sera la bonne et durera 4 ans... 4 ans
durant lesquels Michel va se créer un personnage qui
bientôt le dépassera... Mythique, sensible,
secret, timide, trop réservé, il fallait
à Michel une armure... Une carapace qui le
protégerait s'il voulait se livrer au public. Certes,
dès l'âge de 12 ans, il se produit
déjà sur scène. Il fonde avec deux
copains un groupe de Rock... Lors de sa première
fugue, il fait la manche et réussit à se faire
embaucher dans des boîtes de strip-tease pour un petit
spectacle de chant... En 1968, alors qu'il quitte sa
région, il a à peine 16 ans et demi... Il fait
à nouveau la manche, des centaines de curieux
s'arrêtent pour écouter ce drôle de
phénomène qui s'accompagne à la 12
cordes. On lui propose alors d'être le chanteur et
guitariste d'un groupe de Rock... Les tournées, les
spectacles se multiplient. Et cela le dépasse... Lors
d'une tournée mémorable, il faudra interrompre
les spectacles, Michel est tellement
déchaîné sur scène que cela
provoque des crises d'hystérie collectives. Les
salles sont de plus en plus bondées et plus il y a de
monde, plus notre artiste se surpasse. Cela tourne au
délire... Voici par exemple une anecdote pour le
moins révélatrice et les effets qu'elle va
déclencher... Michel joue toujours de la guitare avec
un médiator. Ce soir-là, il entame avec ses
musiciens sa série de morceaux endiablés qu'on
nommerait aujourd'hui Hard-Rock... Dans un solo d'enfer, il
perd son médiator, mais continue à jouer... Il
se blesse un doigt sur la chanterelle (la corde de Mi la
plus fine)... Le sang gicle sur les spectatrices
entassées aux premiers rangs qui se mettent à
hurler... Il faudra l'intervention des forces de l'ordre
pour justement remettre de l'ordre dans la salle... Le
spectacle est bien entendu arrêté, comme
d'autres le seront lorsque notre énergumène
décide de s'acharner sur sa guitare. Mais est-ce
encore Michel Mahler ? Ou un autre personnage qu'il ne
maîtrise plus...
Michel a
l'art d'enchaîner les morceaux endiablés et les
chansons sentimentales tristes à en émouvoir
un roc... Le rocker fou se métamorphose en quelques
secondes en un romantique dégageant des
émotions si denses que la salle se met à
pleurer... Et pourtant, il est déjà loin de
tout cela... Lorsque le rideau tombe, l'artiste se retranche
dans une solitude morbide... Il ne veut plus voir personne
et ira même jusqu'à masquer les fenêtres
de son appartement pour ne plus subir la lumière.
Cela va être l'amorce d'un drame devenu
inévitable.
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La distance qui sépare Michel de
l'artiste qu'il a créé s'agrandit
démesurément. Les deux personnages qui
cohabitent dans la même enveloppe ne se connaissent
plus, ils ne vivent plus dans le même monde. Et comme
ce n'est sans doute pas assez ambigu; il se fabrique encore
d'autres personnages. C'est ainsi que nous le verrons comme
chanteur-guitariste dans d'autres groupes (dont trois au
moins ont eu une notoriété internationale), ou
comme musicien accompagnant d'autres artistes de renom...
Mais lui, le "vrai", vit désormais caché, en
proie à des tourmentes qui le dévorent. Et
toujours les mêmes questions... Qu'est-il venu faire
dans ce monde qui n'est pas le sien... Lorsqu'il
côtoie la foule, il a la sensation d'être un
étranger parachuté là contre son
gré. Il observe, comme d'une autre dimension, les
gens marcher, courir ou vaquer à leurs occupations.
Il les compare à des robots... Plus tard, il aura
cette métaphore qui donne à
réfléchir: «L'humain est comparable
à un ordinateur. À la naissance, on lui colle
un disque dur qui lui permet de réagir, puis on lui
implante des programmes qui vont dicter tous ses faits et
gestes... Si l'homme n'est pas doté de la conscience
-de l'esprit-, il ne peut penser par lui-même, il
demeure une machine, aussi intelligente semble-t-elle
être. Tout dépend du nombre d'informations qui
auront été stockées dans sa
mémoire.» La réalité de la vie
s'impose à lui, le monde dont il rêvait
n'existe pas, ce n'est pas celui-ci en tout cas... Il ne
voit quasiment plus ses musiciens, refuse des contrats et se
produit en solo, en particulier en Suisse et en Allemagne
où il découvre lors d'une séance
d'enregistrement les premiers 8 pistes... Dans quelques
années, la technologie lui permettra de tout faire
tout seul. En 1971, il s'essaie au re-recording et
réalise ses premiers enregistrements sans aucun autre
musicien. Il y aurait des pages et des pages à
remplir sur ces quatre années, de 1968 à
1972... Le parfait non-violent sera confronté
à des émeutes qui tournent au massacre, il
sera d'ailleurs gravement blessé d'un coup de
couteau. Sa vision du monde va encore
s'assombrir.
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Notre charmant couple débarque un
beau matin à Saint-Quirin... Aussitôt,
l'entourage proche, mais aussi tout le village vont s'en
prendre aux tourtereaux... L'occasion est trop belle pour
casser enfin l'artiste, celui qui a eu l'audace de "vivre
autrement"... Il vaut mieux, dans un premier temps, passer
les détails de ce que devront subir Michel et sa
bien-aimée... Nous y reviendront
ultérieurement, dans la partie réservée
aux "entretiens". Mais cela dépasse l'ignominie. Le
couple est brisé, broyé... La jeune fille fera
une tentative de suicide. Pourquoi autant de haine et de
méchanceté envers un jeune homme qui n'a
jamais rien fait de mal ? Puis, on exerce sur l'artiste un
chantage odieux... "Maintenant, tu seras bûcheron"...
C'est en effet la tradition dans le village; on est soit
bûcheron soit ouvrier de scierie... Michel pèse
45 kilos... Il sort de l'enfer, il a "connu" la mort, il n'a
encore aucune force et on lui impose ce métier
où enfin, il gagnera sa vie à la sueur de son
front !... Essayez d'imaginer cet être encore
marqué par la maladie contraint d'écorcer avec
un outil manuel, sur des pentes abruptes, des pins dont
l'écorce gelée dépasse les 15
centimètres... Nous sommes début 1973, l'hiver
est des plus rigoureux... Une telle monstruosité ne
serait heureusement plus possible aujourd'hui. Michel est
brisé, détruit... C'est là qu'il va se
mettre à la moto, les plus "gros cubes" de
l'époque: les fameuses CB 750 Four (trafiqués
pour atteindre des vittesse de 245 km/h)... Un personnage
aux antipodes de l'artiste va alors remplacer Michel car
lui, il est "ailleurs".
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Les années qui suivront seront comme
vécues par "quelqu'un d'autre"... «C'est un
autre personnage qui a habité dans cette enveloppe.
Ce n'était plus moi» dira le compositeur des
années plus tard. En effet, l'artiste s'est
effacé... Le bûcheron malgré lui roule
à tombeau ouvert et fait tous les bals de la
région. De bistrots en bistrots, il accumule les
aventures amoureuses, vit à 200 à l'heure et
devient une "vedette" n'ayant plus rien à voir avec
le vrai Michel, tendre, romantique et sentimental...
Lorsqu'il déboule à un bal avec son bolide
(entièrement trafiqué), les gens sortent de la
salle, c'est encore pire lorsqu'il repart vers un autre bal
(alors qu'il ne sait pas danser!)... Pourtant, dans le plus
grand secret, il va se produire sur scène, en
particulier en Allemagne et en Suisse. Mais dès qu'il
rentre, il a comme oublié et reprend sa vie folle de
quelqu'un d'ordinaire qui serait sorti de l'ordinaire.
Durant les deux années qui suivront sa sortie
d'hôpital, Michel aura une suite d'accidents de moto
et en forêt dépassant l'imaginaire... Pas moins
de 16 fractures ouvertes, il aurait dû être
tué au moins dix fois... Et nous verrons que la
série noire est loin d'être finie.
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«Tiens bon fiston...» lui
murmure-t-il (c'est la première fois que le
père et le fils se parlent)... La main droite de
Michel est agrippée à la table, les ongles
s'enfonçant dans le bois. Il voit le toubib
écarteler la plaie béante pour rattraper
l'artère et le tendon. C'est surréaliste... Et
pourtant, cela s'est bien passé ainsi. Au bout de
quelques heures, tout est réparé... Enfin...
Si l'on peut dire ! Le toubib précise que pour
l'artère et les veines, ça ira, mais que pour
rebouger un jour la main, c'est autre chose ! Et pourtant...
Quelques mois plus tard, il réussira à faire
bouger cette main; le pauvre toubib n'y comprend plus
rien... Au bout de quelques semaines, il remonte sur sa
moto.
Et la
série noire continue... Un soir, les tourtereaux
décident d'aller au cinéma à la petite
ville la plus proche... Cette fois, Michel ne roule pas
très vite... Il se retourne pour plaisanter avec
Natalia lorsque le pneu avant de la moto éclate...
Lui ne se souvient de rien... Le néant total... Ce
n'est que plus d'une semaine plus tard qu'on lui
expliquera... Le choc fut d'une violence terrible. Natalia
é été projetée dans le
prés bordant la route, elle n'a miraculeusement
rien... Mais Michel a percuté violemment la route
avec la tête avant d'être écrasé
par la moto qui continuait sa route dans un tourbillon
infernal de "tonneaux". Les premiers témoins
assistent à un spectacle d'horreur et interdisent
à Natalia d'aller voir son compagnon... Le spectacle
est atroce, insupportable... Le casque a
éclaté sous le choc et sa tête est
ouverte de partout... Son corps est
désarticulé... Il passe jours 3 dans un "coma"
très profond, dans le néant... Lorsqu'il
revient à lui, s'il se rend compte de son état
(il est en partie défiguré), il ne sait plus
où il est, ne comprend pas ce qu'il fait dans cet
hôpital. Les gendarmes de Sarrebourg lui montreront
l'endroit où s'est produit l'accident et tenteront de
lui décrire. Pour eux, il était mort
lorsqu'ils sont arrivés sur les lieux. Ces
journées n'existent toujours pas dans la vie de notre
artiste. C'est un "vide" total et cela accentuera sa hantise
face à la mort... Il ne tardera pas à signer
une décharge et va recommencer à rouler
à moto. Quelques mois plus tard, les deux amoureux
vont "officialiser" leur union. On appelle cela le mariage
paraît-il. |
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