Dans
le roman original, le professeur Antelle organise une
mission vers l’étoile Bételgeuse. Avec le
physicien Levain et le journaliste Ulysse Mérou, ils
découvrent une planète semblable à la
Terre et décident de l'explorer. Ils constatent alors
avec horreur qu'elle est dominée par des primates
chassant les hommes comme des bêtes sauvages... Le
film met en avant les dangers de la guerre nucléaire.
Trois Américains échouent sur la Terre du
futur après avoir traversé le temps lors d'un
voyage spatial. L'astronaute Taylor découvre que les
singes intelligents ont pris le contrôle de la
planète après une guerre qui transforma les
continents en déserts, et l'Homme en un être
inférieur et muet... Le film de Tim Burton (2001)
serait plus proche du roman. Comme dans le livre original,
l'action se passe sur une planète inconnue (et non la
Terre). Lorsque le héros rejoint la Terre à la
fin du film, c'est pour découvrir que les hommes de
cette dernière ont subi un sort similaire à
ceux de la planète explorée (comme dans le
roman).
Les
jeux de l'esprit
"Les jeux de l’esprit" de Pierre Boulle est un roman de
science-fiction paru en 1971 sur le XXIe siècle, les
jeux télévisés violents et un
gouvernement mondial de savants... Au début du XXIe
siècle, le monde est désespéré
par la classe politique. La classe politique elle-même
se décourage de l’exercice du pouvoir.
Révoltés par la bêtise humaine, un petit
groupe de savants met au point, en secret, un nouveau
système de gouvernement, où l’élection
est remplacée par le mérite scientifique. Le
projet est révélé au monde entier par
des articles de presse signés par la totalité
des titulaires du prix Nobel. Les prix Nobel ne peuvent pas
accéder à la présidence, ils
constituent le jury qui permet de déterminer quels
scientifiques seront élus. Les concurrents doivent
être âgés de trente-cinq à
cinquante ans. Les épreuves de mathématiques,
d’astronomie, de chimie ou de physique permettent
d’éliminer des candidats. Les treize derniers sont
alors évalués sur leur programme politique,
sur ce qu’ils proposent de réaliser au cours de leur
mandat de neuf ans. Le vainqueur devient président,
et les autres deviennent ses ministres (selon leur
classement au concours).
La "conspiration des Nobel", comme on la nomme, vient au bon
moment, ses propositions sont immédiatement
acceptées par tous les gouvernements du monde. La
communauté scientifique, qui a toujours
été internationale, abolit aussitôt les
nations. Elle élit le président et les
ministres de ce gouvernement mondial. Elle délaisse
le jeu politique pour un rationalisme égalitaire qui
met un terme à la faim dans le monde, à la
surpopulation et permet de limiter le temps de travail de
chacun à deux heures quotidiennes. Le pari des
savants semble gagné. Ils oublient la rivalité
séparant les physiciens des biologistes qui
s’accusent mutuellement d’anthropocentrisme. Ce
succès est rapidement entaché par une
épidémie de mélancolie frappant les
habitants de la Terre qui provoque une vague de suicides. De
nombreuses personnes sont atteintes d’une perte de confiance
en soi: des gens habituellement compétents, comme les
pilotes d’essai, perdent leurs moyens lorsqu’ils ne sont
plus assistés par des machines. Le monde s’abrutit de
confort et en demande toujours plus. Les anciens habitants
des taudis exigent l’air conditionné partout, le
téléphone et la télévision dans
chaque pièce, des fenêtres et des stores
à commande automatique qu’on peut manœuvrer du lit et
un équipement mécanique, électrique,
électronique destiné à éviter
tout effort. Chacun veut avoir sa piscine. Cette soif de
bien-être, ce désir de s’approprier les
acquisitions de la science et de la technique sans en
comprendre l’esprit et sans avoir participé à
l’effort intellectuel de découverte, ne suffisaient
pas. Pour satisfaire les gens, il a fallu construire des
villes nouvelles où les rues et les places
étaient chauffées l’hiver et rafraîchies
l’été.
Les scientifiques sont conscients que le confort ne suffit
pas, il faut remplir les existences de manière
"spirituelle". Ils inventent alors un hymne à la
science, un drapeau, des rites, et tentent de convaincre les
gens d'assister à des conférences afin de
découvrir l’émerveillement intellectuel que
l’on peut ressentir face aux prodiges de la nature. Les
populations s’y engagent sans vraiment d'enthousiasme.
Lorsqu’un astronome ou un mathématicien parvient
à susciter un peu d’intérêt chez ses
auditeurs, c’est parce que ces derniers pensent que les
étoiles servent à établir des
horoscopes et que les mathématiques sont un moyen
pour gagner aux jeux de hasard. Les scientifiques voulaient
absolument éviter cela, une société
divisée en deux classes: des savants qui dirigent et
la masse superstitieuse qui accepte d’être
gouvernée si on la laisse tranquille. Les
scientifiques sont déçus et surtout inquiets
de voir le nombre de suicides augmenter.
Désespérés, ils décident de
confier la vice-présidence à Betty Han, une
psychologue qui avait tout prévu et qui propose, pour
tromper l’ennui de la population mondiale, d’organiser des
jeux ultra-violents afin de faire vibrer à l’unisson
les milliards d’humains. Notons que dans le film "Mad Max",
Beyond Thunderdome, le "dôme du tonnerre", est une
cage où ont lieu des duels à mort (deux
personnes y entrent, une seule en sortira et tous les coups
sont permis) pour satisfaire la soif de sang du public. "Les
jeux de l'esprit" de Pierre Boulle inspirera de nombreux
films de science-fiction mettant en scène des jeux
ultra-violents.
Le plan de Betty Han fonctionne. Devant des spectacles
odieux et sanglants, où des équipes de
"super-catch" s'égorgent jusqu’à la mort de
tous les membres d’une des deux équipes, la foule
exulte. Tous les coups sont permis. Les équipes
défendent des théories scientifiques dont ils
portent le nom: "Théorie des quanta",
"Néo-darwinisme"... Le premier championnat du monde
est un sinistre spectacle où la foule admire une
jeune étudiante en sciences physiques, "Miss Lovely",
semblant pouvoir vaincre n’importe quel adversaire. "Miss
Lovely" se déchaîne, le corps rougi du sang de
ses précédentes victimes, vole
littéralement à dans les airs.
Assommée, la femme restait affalée sur le sol,
la jeune fille se baissa, l’empoigna. Sous les rafales
d’applaudissement déclenchées par son geste,
elle la fit tourbillonner, l’offrant en sacrifice à
son public jusqu’à ce qu’elle-même fût
étourdie, grisée par cette valse triomphale.
Alors, elle laissa tomber la femme inerte sur le sol et,
empoignant son cou, lui brisa les vertèbres
cervicales.
Mais ces spectacles lassent vite, les idoles d’un jour sont
vite oubliées, leur espérance de vie n’est pas
bien longue. Après quelques tournois mondiaux de
"super-catch", il faut inventer d’autres sports plus
violents, inspirés des tournois
médiévaux ou des combats de gladiateurs. Les
scientifiques délaissent leurs travaux de recherche
fondamentale pour perfectionner les techniques de diffusion
des spectacles, pour des sensations plus réalistes
grâce à une diffusion
stéréoscopique (relief, odeurs, sons...). Les
candidats au suicide ne manquent pas, on profite de leur
nombre pour inventer une nouvelle forme de jeux: des
reconstitutions des grandes batailles (Waterloo, la bataille
de la Marne, Trafalgar ou le débarquement sur les
plages de Normandie). L’issue des batailles peut être
différent de celle des guerres historiques et chaque
équipe a le droit de perfectionner son armement,
à condition de s’en tenir aux améliorations
qui auraient été possibles à
l’époque. Afin de défendre leurs
équipes respectives, les Nobel de physique et de
biologie n’hésitent pas à mettre leur
intelligence au service de leur victoire, quitte à
tricher un peu. À la fin du roman, les scientifiques
ne sont pas parvenus à hisser le peuple à leur
niveau intellectuel, ils sont juste parvenus à
devenir aussi bêtes que lui.
"Les jeux de l'esprit" n'est pas une idée nouvelle
mais Pierre Boulle inspirera des films comme "La
Dixième victime" (1965), "Le Prix du Danger" (1983)
ou "Running Man" (1987). En revanche, des jeux violents pour
tromper l’ennui du peuple face à un trop-plein de
confort remontent à l'Antiquité: les jeux du
cirque sous l’Empire de Rome (où ils ont
doublé) tels que les présentent
Juvénal, "Panem et circenses". Les reconstitutions de
batailles faisaient partie des spectacles qui étaient
donnés dans les amphithéâtres romains.
Le roman de Pierre Boulle évoque des sujets plus
actuels comme les Reality Shows
télévisés où la frontière
entre le spectacle et la "vraie vie" s’efface et les jeux
vidéo poussant toujours plus loin la
surenchère de violence et de thèmes sordides.
La différence étant que dans les jeux, la
souffrance et la mort sont virtuelles. On peut voir dans
"Les jeux de l'esprit" de Pierre Boulle, lorsque le
gouvernement scientifique envisage des massacres
télévisés pour faire baisser le taux de
suicides, les bombardements nucléaires d’Hiroshima et
de Nagasaki officiellement acceptés par une partie de
la communauté scientifique pour épargner les
hypothétiques morts qu’aurait provoqué
la guerre si elle avait continué. Pierre Boulle pose en fait des
questions: La soif de connaissances persistera-t-elle
lorsque le confort de chacun sera assuré ? Le
progrès scientifique peut-il rendre idiot ? Le
confort peut-il devenir un handicap ? Est-il plus terrible
de ne pas avoir de temps libre que de ne pas savoir comment
occuper son temps libre ? À quoi servent
réellement les spectacles sportifs ?
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