La
NASA demande à plusieurs industriels des
études sur un véhicule destiné aux
missions du programme spatial devant se dérouler
après le premier sur la Lune. Il était
prévu, au début, que ce matériel serait
transporté sur la Lune par une fusée distincte
de celle des astronautes, le poids ne jouait donc pas un
rôle important. En 1962, la NASA étudie avec
les sociétés aérospatiales Northrop et
Grumman un véhicule lunaire biplace. Deux
modèles sont étudiés: un
véhicule de grande taille (5,4 m de long, 2 m de
large et pesant 3 tonnes) pouvant accomplir des missions de
30 jours et parcourir 450 km et un véhicule plus
petit (3,6 m de long, 2,5 de large et pesant 1,5 tonne)
pouvant accomplir des missions de 7 jours et parcourir 368
km. Les deux versions sont dotées d'une cabine
pressurisée, de roues métalliques flexibles et
sont propulsés par des moteurs électriques. En
1964, le Centre Marshall demande aux sociétés
Boeing et Bendix de concevoir un véhicule (le MOLAB,
Mobile Laboratory), permettant de transporter deux personnes
sur une période de 14 jours afin d'anticiper ce qui
servira au programme Apollo. Le prototype proposé par
Bendix est équipé de 4 roues
métalliques, il pèse 3 060 kg, il peut
transporter l'équipage et 3 tonnes de matériel
dans une cabine pressurisée sur une distance de 100
km. Le véhicule est grand: 9 m de long (dont 3,6 m
pour la cabine pressurisée) et 2 m de large. En
parallèle, la NASA fait étudier un rover
lunaire léger (LSSM, Local Scientific Survey Module),
un monoplace sans cabine pressurisée. Le 25 mai 1961,
le président John Kennedy prend la décision
d'envoyer des hommes sur la Lune avant la fin de la
décennie. Le projet Apollo est lancé. En 1962,
la NASA abandonne le concept d'un envoi sur la Lune en deux
temps (une fusée pour l'équipage, une autre
pour le matériel lourd) pour les missions Apollo avec
une seule fusée: les rendez-vous en orbite lunaire
entre le module lunaire (LEM) et les vaisseaux ramenant les
astronautes sur Terre. Cette décision annonce
l'abandon du rover lunaire lourd incompatible avec les
capacités de la fusée Saturn V.
En août 1967, la conférence de Santa-Cruz
(entre la communauté scientifique et la NASA)
définit les objectifs prioritaires du programme
Apollo. Un véhicule permettant d'élargir le
rayon d'action des astronautes de 500 mètres à
10 km. La communauté scientifique demande le
développement d'un avion lunaire piloté
permettant d'explorer des zones éloignées et
d'un engin à roues à plus grand rayon d'action
(25 km) pouvant être piloté à distance
et pouvant effectuer des investigations automatiques
après le départ des astronautes (le Local
Scientific Survey Module ou LSSM). Ces véhicules
doivent être expédiés sur la Lune dans
une fusée dédiée (double lancement). En
1968, la société General Motors étudie
un véhicule lunaire embarqué dans la
même fusée que les astronautes: un engin de
petit format sans cabine pressurisée et capable
d'effectuer trois "excursions" de 20 km pouvant être
placé dans l'étage du module lunaire (LEM).
Début 1969, on étudie si la fusée
Saturn V peut placer en orbite une charge
supplémentaire et si le module lunaire peut effectuer
des missions plus longues sur la Lune. Les conclusions sont
positives (Saturn V peut satelliser 2 tonnes
supplémentaires) et le développement du rover
lunaire proposé par General Motors est choisi. Le 27
mai 1969, la NASA décide de développer un
rover lunaire léger et confie sa construction au
Centre Marshall. Le rover doit être embarqué
sur les missions Apollo à compter de 1971.
Après le premier atterrissage lunaire (Apollo 11,
juillet 1969), des études sont lancées pour le
développement de l'avion lunaire et du
véhicule lunaire bi-mode (le LSSM). En septembre
1970, le gouvernement Nixon décide l'abandon des
missions Apollo après Apollo 17. L'envoi sur la Lune
d'un véhicule lunaire lourd de type LSSM ou MOLAB
finit à la poubelle. Le rover doit être
développé en un temps particulièrement
court (17 mois). Une équipe est montée par le
Centre Marshall avec, à sa tête, Saverio F.
Morea, un spécialiste des moteurs de fusée.
Dès juillet 1969, le véhicule à
construire doit être un engin tout-terrain biplace
sans cabine pressurisée d'une masse inférieure
à 181 kg qui doit pouvoir tenir dans l'emplacement
d'une baie de l'étage du module lunaire (LEM). Il
doit pouvoir réaliser quatre "excursions" de 30 km en
78 heures, transporter 350 kg de charge et doit être
équipé de 4 roues propulsées par des
moteurs électriques indépendants. L'astronaute
qui conduit le rover doit disposer d'un tableau de bord. Le
premier rover envoyé sur la Lune pèse 30 kg de
plus que prévu (210 kg au lieu de 181 kg). Une autre
difficulté majeure est la faible connaissance du sol
lunaire, on se demande si le sol lunaire n'allait pas
engloutir les rovers. Finalement, Boeing soumet en janvier
1970 une première esquisse à la NASA et aux
astronautes. En juin 1970, la conception du véhicule
est figée. La mise au point du mécanisme de
déploiement du rover sur la Lune est
développée. 4 rovers sont construits, ils
seront utilisés au cours des missions Apollo 15, 16
et 17, le quatrième fournissant des pièces de
rechange après la décision d'annuler les
missions après Apollo 17. La roue était un
organe critique, elle doit fonctionner avec la faible
gravité lunaire.
Le Rover a une allure rustique, décevante par rapport
au dessin des prototypes MOLAB, cela est dû à
l'absence de cabine pressurisée mais également
de tout carénage jugé superflu en l'absence
d'atmosphère. La NASA a décidé que les
astronautes doivent être capables de retourner au
module lunaire à pied en cas de panne du rover, le
rayon d'action du rover est limité à 10 km. Le
châssis mesure 3,1 m de long pour un empattement de
2,3 m et une largeur de 1,8 m. La hauteur maximale est de
1,14 m et la garde au sol à pleine charge de 35 cm.
Le châssis est réalisé en tubes
d'alliage d'aluminium soudés. Pour que le rover
puisse être stocké dans un espace restreint du
module lunaire, les parties avant et arrière du
châssis sont articulées et peuvent se replier
sur la partie centrale, les roues étant alors
couchées en diagonale. La partie centrale du rover
comporte deux sièges pliables côte à
côte, un tableau de bord et un manche à balai
sont situés devant les sièges à
égale distance des 2 passagers. L'utilisation de
pneumatiques expérimentés par Goodyear n'avait
pas été concluante, l'engin ayant tendance
à rebondir. La conception des roues du Rover lunaire
adopte une structure novatrice... Les quatre roues sont
motrices, chaque roue est entraînée par un
moteur électrique développant une puissance de
0,25 ch. L'ensemble est rempli d'azote pour lutter contre
l'échauffement dans le vide spatial. Un moteur peut
être si nécessaire débrayé
manuellement laissant la roue libre. Les trains
arrière et avant sont orientables réduisant le
rayon de braquage à 3 mètres. Un des trains
peut être si nécessaire bloqué dans
l'axe. Le braquage des roues est réalisé par
de petits moteurs électriques de 0,1 ch placés
par paire sur chaque essieu. Le véhicule ne
possède pas de volant, il se conduit grâce
à un manche à balai en forme de T, plus
commode pour des mains gantées. L'astronaute fait
avancer le LRV en poussant le manche vers l'avant, la
vitesse étant proportionnelle à l'inclinaison
de celui-ci. En inclinant le manche à gauche ou
à droite, le conducteur fait tourner le
véhicule. Le freinage s'enclenche lorsque le pilote
tire le manche vers l'arrière.
S'orienter sur la Lune est plus difficile que sur Terre,
l'absence de magnétisme ne permet pas d'avoir recours
à une boussole ou un compas. La taille réduite
de la Lune rapproche l'horizon à environ 3 km en
terrain plat. Le rover est donc doté d'un
système de navigation très sophistiqué.
Le rover dispose d'un système de
télécommunication permettant aux occupants du
rover de dialoguer entre eux ainsi qu'avec la station de
contrôle à terre, d'une caméra de
télévision couleur installée à
l'avant du véhicule permettant de transmettre des
images en temps réel, elle peut être
contrôlée à distance depuis la Terre.
L'image est transmise par une antenne à grand gain en
forme de parapluie montée sur un mât
situé sur l'avant du châssis, d'une antenne
à faible gain placée à portée de
main des passagers (caméra 8 mm prenant en charge la
transmission des communications). Elle peut être
orientée quand le véhicule est en marche. Tous
les rovers seront abandonnés sur la Lune près
du site d'atterrissage, ils font partie des "objets
artificiels" sur la Lune. Lors de la mission d'Apollo 17,
grâce au système de téléguidage
à distance, la caméra permit au monde entier
d'assister, en direct, au décollage du module lunaire
(LEM) qui ramenait les astronautes sur Terre. Le rover
lunaire est utilisé pour la première fois le
31 juillet 1971 au cours du vol Apollo 15. Les pilotes des
trois rovers lunaires sont Scott et Irwin
(juillet-août 1971, Apollo 15 sur le site Hadley),
Young et Duke (avril 1972, Apollo 16 sur le site Descartes)
et Cernan et Schmitt (décembre 1972, Apollo 17 sur
les monts Taurus Littrow). Au total, les trois LRV ont
parcouru 91,7 km (Apollo 15: 27,76 km, 12,47 km, 5 km -
Apollo 16: 26,55 km, 11,59 km, 4,5 km - Apollo 17: 35,89 km,
20,12 km, 7,6 km).
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